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Pour comprendre L'histoire des Vikings et leur épopée nous interrogeons le Magazine Futura

 

Le phénomène viking s’étend sur près de trois siècles (fin VIIIe – fin XIe) et s’exerce sur des aires géographiques d’une très grande diversité, d’un bout à l’autre du monde connu de l’époque. Nous savons aujourd’hui que ce ne sont pas des hordes sauvages qui ont déferlé depuis la Scandinavie sur l’Europe, mais des navigateurs hors pair capables d’explorer toutes les routes maritimes, qui souhaitaient d’abord s’enrichir par le commerce.

Les Vikings ou peuples scandinaves pratiquent le négoce avec les marchands occidentaux depuis l'époque romaine. Les rapports commerciaux Orient - Occident qui se sont effectués pendant des siècles grâce à la Méditerranée, sont modifiés par l'expansion arabe (au VIIIe siècle) et se décalent au nord, vers l'Atlantique, la mer du Nord et la Baltique. Il paraît logique que les Scandinaves soient intervenus dans ce secteur, puisqu'ils ont le sens du commerce et le bateau adéquat (le « langskip » que l'on a surnommé « drakkar »), aux extraordinaires qualités de navigation qui en font une arme absolue pour  l'époque. Le terme « viking » dérive du latin « vicus » qui peut se traduire par place marchande ou comptoir de commerce ; les historiens estiment que les Vikings ont constitué des confréries de négociants liés par pacte ou contrat.

Bateau viking de Gokstad, "langskip", (23,50 m de long, 5,20 m de large, 32 rameurs), fin IXe siècle. Musée des bateaux vikings d'Oslo, Norvège. © Wikimedia Commons, domaine public.

BATEAU VIKING DE GOKSTAD, "LANGSKIP", (23,50 M DE LONG, 5,20 M DE LARGE, 32 RAMEURS), FIN IXE SIÈCLE. MUSÉE DES BATEAUX VIKINGS D'OSLO, NORVÈGE. © WIKIMEDIA COMMONS, DOMAINE PUBLIC.

Le comptoir suédois de Birka est fondé au VIIIe siècle : la ville devient une plaque tournante du commerce viking, elle regroupe de nombreux artisans qui utilisent des matières premières en provenance des territoires scandinaves tels que l'ambre, le fer, les fourrures, le bois et l'ivoire (de morse). Les produits transformés sont vendus surtout à l'étranger en échange de produits de luxe, comme la céramique, la soie et l’argent. L'essentiel du commerce se fait avec l'Europe de l'ouest puis l'expansion vers l'est et le développement des routes commerciales de la Volga et du Dniepr, amplifie le négoce vers l'Orient dès la fin du IXe siècle.  

L’expansion territoriale en Europe

L'origine géographique (Norvège, Suède, Danemark actuels) des Vikings semble déterminer leur expansion territoriale : les Varègues ou Suédois se sont dirigés vers l'est, autour de la Baltique et en Russie. Les Norvégiens semblent concentrer leurs raids sur les îles Britanniques et les Danois se répandent en Mer du Nord, Manche et Atlantique. Les causes exactes du phénomène viking font encore l'objet d'hypothèses : le point de départ du mouvement (parce qu'il a marqué les esprits des contemporains) est le saccage de l'abbaye de Lindisfarne, île située sur la côte nord-est de l'Angleterre, en juin 793. Les Danois organisent des expéditions dès la fin du VIIIe siècle ; elles s'intensifient après la mort de Charlemagne (en 814). Morcelée en de multiples royaumes, l'Angleterre est particulièrement touchée : les fleuves Humber et Tamise sont des voies de pénétration pour les navires vikings. Entre 875 et 879, les Danois battent les souverains du nord-est de l'Angleterre et fondent le royaume viking de Danelaw (« le pays sous la loi danoise »).

Enluminure : débarquement d'une flotte viking en Angleterre, fin IXe siècle ; manuscrit "Anglo-Saxon Chronicle", Xe siècle. Bymuseum, Oslo, Norvège. © Bridgeman Images.

ENLUMINURE : DÉBARQUEMENT D'UNE FLOTTE VIKING EN ANGLETERRE, FIN IXE SIÈCLE ; MANUSCRIT "ANGLO-SAXON CHRONICLE", XE SIÈCLE. BYMUSEUM, OSLO, NORVÈGE. © BRIDGEMAN IMAGES.

Sur le territoire de l'ancien empire carolingien, la façade maritime offre de nombreuses portes d'entrée fluviales : les flottes vikings empruntent la Seine, la Loire, la Garonne et les petits fleuves côtiers, comme le décrivent les chroniques de monastères entre 841 et 856. Ils atteignent Bordeaux puis Toulouse vers 844 ; Paris est également assiégée plusieurs fois entre 845 et 885. Ces Vikings reçoivent le nom de Normands (ou « Nordmann », homme du nord) avant de s'établir dans la région qui porte aujourd'hui le nom de Normandie. En Bretagne, ils trouvent un terrain favorable à leur expansion parce que les guerres internes des nobles bretons nécessitent l'emploi de mercenaires scandinaves ; ils en sont finalement chassés en 939.

Remontée de fleuve par des bateaux vikings ; scène de la série TV Vikings, sur History. © Histoire Normandie.

REMONTÉE DE FLEUVE PAR DES BATEAUX VIKINGS ; SCÈNE DE LA SÉRIE TV VIKINGS, SUR HISTORY. © HISTOIRE NORMANDIE.

Remarquables navigateurs, les Vikings s'aventurent également jusqu'à la péninsule ibérique : en 844, Séville et Cadix sont ravagées par une flotte qui remonte le fleuve Guadalquivir. Les Vikings pénètrent en Méditerranée par le détroit de Gibraltar ; leur raid le plus important, de 859 à 861, leur permet de s'établir dans le delta du Rhône, en Camargue, puis de passer en Italie où ils abordent le port de Luna, en Etrurie.

Pouvez vous nou parlez de L'histoire des Vikings et de la colonisation?

Les Vikings originaires de l'actuelle Norvège, s'attaquent à l'Occident dans un but de colonisation car ils recherchent des terres pour l'agriculture et l'élevage. Leur aire d'expansion recouvre l'Écosse, l'Irlande, le nord-est de l'Angleterre, les îles Féroé, les Orcades, les Hébrides et les Shetlands. D'autres vont gagner l'Islande : sur cette île proche du cercle polaire arctique, le but est bien de coloniser. Arrivés vers 860, des Norvégiens mais aussi des Irlandais et autres Celtes, y bâtissent des fermes : ils cultivent la terre, pratiquent l'élevage et chassent les mammifères marins. Les colons forment une société originale dirigée par le plus ancien parlement du monde, « l'Althing ». De récentes fouilles archéologiques ont révélé des ruines d'habitation sur la péninsule de Reykjanes : la datation (au carbone 14) situe une période d'occupation entre 770 et 880.

Voyages (en bleu) et territoires colonisés (en vert clair) des Vikings ; auteur : Bogdan Giusca, 2005. © Wikimedia Commons, domaine public.

VOYAGES (EN BLEU) ET TERRITOIRES COLONISÉS (EN VERT CLAIR) DES VIKINGS ; AUTEUR : BOGDAN GIUSCA, 2005. © WIKIMEDIA COMMONS, DOMAINE PUBLIC.

Le Xe siècle est la période de colonisation viking : il est surprenant de constater à quelle vitesse, ils se sont intégrés aux populations qu'ils ont conquises. En deux ou trois générations, les Suédois (Varègues) partis à l'est de l'Europe sont devenus des Slaves, les Vikings norvégiens des Normands et les Danois des Anglo-Saxons. Les Suédois sont responsables de la création de la Russie : ils se sont installés dans la région de Novgorod puis dans celle de Kiev et y ont implanté leurs structures sociales, administratives et politiques.

Même si les Vikings sont reconnus comme de redoutables guerriers, ils n'ont jamais réussi à former une véritable armée. Leur tactique de prédateurs ne peut pas être attribuée à un art militaire qu'ils ne maîtrisent pas. Charlemagne les a combattus et chaque fois que les Vikings ont affronté des armées ennemies, ils ont toujours été vaincus, jusqu'en 1066, lorsque le roi Harald de Norvège est battu par Harold de Wessex à Stamford Bridge (Angleterre), lui-même vaincu à Hastings quelques jours plus tard par Guillaume le Conquérant.

Tableau : "Le comte Eudes défend Paris contre les Normands", entre 883 et 885 ; par Jean Victor Schnetz en 1837. Château de Versailles. © Wikimedia Commons, domaine public.

TABLEAU : "LE COMTE EUDES DÉFEND PARIS CONTRE LES NORMANDS", ENTRE 883 ET 885 ; PAR JEAN VICTOR SCHNETZ EN 1837. CHÂTEAU DE VERSAILLES. © WIKIMEDIA COMMONS, DOMAINE PUBLIC.

Les Vikings en Amérique

Leif Eriksson né vers 970 en Islande et mort vers 1020 (sans doute au Groenland), est un explorateur islandais, personnalité reconnue de l'expansion viking en Amérique. Leif est le fils d'Erik le Rouge, fondateur de la première colonie viking au Groenland ; il serait le premier Européen à avoir abordé le continent américain. Les sagas du « Vinland » racontent sa découverte de terres situées au-delà du Groenland, aux alentours du Labrador et de Terre-Neuve.

Tableau : Leif Eriksson découvre l'Amérique, par Christian Krohg en 1893. National Gallery, Oslo, Norvège. © Wikimedia Commons, domaine public.

TABLEAU : LEIF ERIKSSON DÉCOUVRE L'AMÉRIQUE, PAR CHRISTIAN KROHG EN 1893. NATIONAL GALLERY, OSLO, NORVÈGE. © WIKIMEDIA COMMONS, DOMAINE PUBLIC.

Des découvertes archéologiques dans les années 1960, confirment l'établissement d'une colonie à l'Anse aux Meadows : c'est le premier site identifié comme étant scandinave en Amérique du Nord ; les fouilles pratiquées ont révélé des maisons, des instruments et des outils qui permettent d'établir la datation du site autour de l'an mil. D'autres recherches archéologiques suggèrent que le « Vinland » peut se situer autour du golfe du Saint-Laurent et que le site de l'Anse aux Meadows serait une étape pour la réparation des navires. Des fouilles (précédées de détection par images satellite) ont permis la découverte en 2016, d'un nouvel établissement à Pointe Rosée (sur Terre-Neuve) qui confirmerait l'existence d'une colonisation viking de l'Amérique du Nord.

Longère viking reconstituée à L'Anse aux Meadows, Terre-Neuve, Canada. © Wikimedia Commons, domaine public.

LONGÈRE VIKING RECONSTITUÉE À L'ANSE AUX MEADOWS, TERRE-NEUVE, CANADA. © WIKIMEDIA COMMONS, DOMAINE PUBLIC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Armement et équipement de protection

En ce qui concerne l'armement et l'équipement de protection, nous devons nous contenter de ce qui apparaît dans les archives archéologiques car les sources littéraires ne sont pas particulièrement riches en descriptions techniques. Les combattants de la Scandinavie de l'âge des Vikings utilisaient les armements et équipements de protection suivants :

épées (à simple et double tranchant)

haches et haches de combat

poignards (ou épée courte/sax/seax, commun aux peuples germaniques à cette époque)

lances

arcs et flèches

boucliers

casques

cottes de mailles.

Étant donné que les troupes de guerriers vikings provenaient de plusieurs régions différentes de Scandinavie, on peut constater des tendances générales, mais il existe bien évidemment de nombreuses variations régionales, mais parmi celles-ci, rien qui ressemble à une tenue type.

CERTAINES LAMES D'ÉPÉES VIKINGS ÉTAIENT FAITES D'UN ACIER D'UNE QUALITÉ QUI RIVALISE AVEC CELLE DES PREMIÈRES PRODUCTIONS DE L'ÈRE MODERNE.

Les épées des Vikings étaient des lames de fer qui se maniaient d'une seule main et présentaient de larges gouttières centrales (les 'foulons') réduisant un peu leur poids. Les épées à double tranchant d'une longueur d'environ 90 cm semblent avoir été la norme la plus en vogue à l'époque. Elles pouvaient être ornées de magnifiques motifs géométriques, d'animaux ou même, vers la fin de l'ère viking, d'ornements chrétiens, en argent et/ou en cuivre. Un fourreau en bois complétait l'ensemble. Les épées étant les armes les plus coûteuses de l'époque, elles n'étaient pas à portée de bourse de tous les guerriers ; leurs propriétaires devaient donc être des combattants fortunés qui voulaient parader leur richesse. Certaines lames d'épées vikings, comme les épées Ulfberht, étaient fabriquées à partir d'un acier homogène d'une qualité qui rivalise avec celle des premières productions de l'ère moderne

La hachette viking n'était pas seulement un outil d'utilisation quotidienne, mais aussi une arme courante dans la société nordique et l'arme principale de nombreux guerriers. L'utilisation des haches est principalement confirmée par la découverte de nombreux fers de haches (car le manche en bois n'a pas été préservé) trouvées non seulement dans les tombes les plus riches parmi d'autres armes, mais aussi en tant qu'arme unique dans les sépultures les plus modestes, ce qui indique que, contrairement aux épées, les haches étaient un outil répandu et pouvaient être utilisées dans un spectre économique plus large. Une épée courte ou une dague, également appelée sax ou seax à la mode des Saxons, pouvait tirer son propriétaire d'un mauvais pas en combat rapproché ou être utilisée comme arme de secours. Parmi les autres armes vikings, citons la lance lourde, ou lance fabriquée en fer et dotée d'une lame en forme de feuille, dont le manche peut atteindre les deux mètres de long, ainsi que les arcs et les flèches. Il est intéressant de noter que les sources écrites font également mention d'une utilisation possible par les Scandinaves de certains engins de siège, bien que leurs vestiges en bois soient depuis longtemps tombés en poussière et que nous nous perdions en conjectures en ce qui concerne leur conception et leur utilisation précises.

 

Viking Age Helmet

Casque d'époque viking

NTNU Vitenskapsmuseet (CC BY)

 

Les boucliers faisaient partie de l'équipement standard du Viking ; il y avait même des lois qui stipulaient que les membres de l'équipage d'un bateau devaient tous porter des boucliers. Fabriqués en bois et de forme circulaire, ils étaient probablement recouverts de cuir, et se déclinaient en plusieurs couleurs distinctives. Les cottes de mailles faites d'anneaux de fer entrelacés sont connues dès cette époque, même si elles restent rares - peut-être trop chères pour être portées par le tout-venant des combattants - et bien que le cuir ait pu les remplacer, il est difficile de dire exactement à quel point les armures de cuir étaient courantes. Les Vikings portaient des casques lors des combats mais, contrairement à la représentation populaire, il ne s'agissait pas de casques à cornes, car ils n'avaient pas particulièrement envie de se retrouver entortillés dans la barbe de leurs adversaires ou de subir d'autres conséquences fâcheuses. Les quelques casques qui sont parvenus jusqu'à nous présentent un modèle simple en fer, avec une calotte conique, des protections pour les yeux et peut-être un protège-nez, et probablement une cotte de mailles qui pendait à l'arrière pour protéger la nuque de son propriétaire. Il est probable que des casques en cuir d'une structure similaire étaient également utilisés (peut-être plus fréquemment).

Les raids

En cette fin de VIIIe siècle, les premiers raids vikings commencent à défrayer la chronique, comme en 793 celui du monastère de Lindisfarne, sur les côtes du Northumberland, dans l'actuelle Angleterre, ou ceux des îles de Rathlin et d'Iona, en bordure de l'île d'Irlande, en 795. Ces premières incursions de faible envergure étaient selon tout vraisemblance le fait de groupes locaux rassemblés par des chefs locaux et visaient des cibles vulnérables et exposées, comme ces monastères ou centres commerciaux côtiers, et ne se dirigeaient généralement pas vers l'intérieur des terres. La stratégie caractéristique des Vikings consistait en des attaques éclair durant lesquelles ils ancraient leurs bateaux le plus près possible de l'endroit qu'ils avaient décidé de frapper, raflaient ensuite le plus grand butin possible, parfois aussi des esclaves, avant de prendre le large toutes voiles ou toutes rames dehors illico presto, avant qu'une défense efficace n'ait eu le temps de se mettre en place pour contrer leurs assauts.

LES BATEAUX VIKINGS ÉTAIENT UN ÉLÉMENT ESSENTIEL DE LEUR TECHNIQUE DE GUERRE, CAR ILS ÉTAIENT EXTRÊMEMENT RAPIDES ET LÉGERS, CE QUI FACILITAIT LES FRAPPES RAPIDES SUR LES CÔTES ET LEUR PERMETTAIT DE PÉNÉTRER À L'INTÉRIEUR DES TERRES EN REMONTANT LES COURS D'EAU.

Les bateaux vikings à fond plat étaient un élément essentiel de leur technique de guerre, pas dans le cadre de l'affrontement maritime, mais parce qu'ils étaient extrêmement rapides et légers, ce qui facilitait non seulement les frappes rapides sur les côtes mais leur permettait également de pénétrer à l'intérieur des terres en remontant les cours d'eau. Autant de caractéristiques qui devaient se révéler particulièrement utiles au cours des années 830. En effet, à cette époque on a commencé à rapporter de manière indépendante une augmentation générale de l'échelle et de la fréquence des raids vikings en Grande-Bretagne, en Irlande et en Europe occidentale (en particulier dans les territoires francs). Augmentant le nombre de bateaux de leurs flottes, qui passèrent de la poignée des débuts à plusieurs centaines, les Vikings commencèrent alors à attaquer des cibles situées plus à l'intérieur des terres, comme les attaques qu'ils menèrent en 834-836 contre le grand centre commercial de Dorestad, à environ 80 km de la côte, au cœur de ce qui est aujourd'hui les Pays-Bas. Des rois ou des comtes en titre, issus des plus hautes sphères de la société scandinave - ce qui reflète leur statut personnel dans leur pays, mais n'implique pas nécessairement qu'ils règnent sur de vastes territoires - appararurent désormais dans un rôle de commandement, s'ajoutant aux chefs de moindre prestige qui restaient néanmoins opérationnels eux aussi. Comme l'explique Gareth Williams :

Parfois, au sein des 'grandes' troupes de guerre de la fin du IXe siècle, nous voyons plusieurs rois ou comtes diriger conjointement leurs forces, ce qui implique à nouveau une fusion de forces indépendantes plus petites. Ce manque apparent de structure formelle rend encore plus impressionnants leurs accomplissements en matière de campagnes à long terme et de planification stratégique et logistique. (199)

En outre, les Vikings commencèrent à passer de plus en plus souvent l'hiver au milieu de territoires hostiles, d'abord en Irlande, puis en Angleterre, en prenant le contrôle de bases locales ou en établissant de nouvelles. Cependant suite à ce changement d'orientation, leur précieuse mobilité s'en trouva fortement diminuée. Ainsi en Irlande, par exemple, cela leur valut de nombreuses défaites. Il convient toutefois de noter que le même schéma - passage de raids à petite échelle à des raids à grande échelle accompagnés d'un hivernage - ne s'applique pas à tous les territoires conquis par les Vikings. En effet, un certain nombre de chefs danois qui s'installèrent en Frise au début du IXe siècle réussirent à composer avec l'autorité des seigneurs francs locaux en tissant avec eux des liens politiques. Parallèlement, l'Écosse nordique fut très tôt colonisée de manière extensive, probablement dès le début du IXe siècle.

 

Viking Attack

Attaque viking

John Rickne, Community Manager, Paradox Interactive (Public Domain)

 

Combat et tactique

Comme c'était le cas dans le reste de l'Europe occidentale du début du Moyen-Âge, chez les Vikings, l'art de la guerre se devait de prendre en compte les effets paralysants de l'hiver sur les campagnes et la logistique. C'est pourquoi il s'agissait généralement d'une activité saisonnière, vacances d'hiver comprises, d'abord en Scandinavie, puis de plus en plus dans des bases d'hivernage et des colonies à mesure qu'elles apparaissaient dans les territoires vikings conquis à l'étranger. Depuis ces colonies, les Vikings pouvaient participer à la vie politique locale, choisir leur camp avec tact, conclure des accords avec leurs ennemis, s'assurer du paiement du tribut et lancer de nouvelles campagnes.

Même en ce qui concerne les batailles livrées à l'intérieur des terres, les fameux bateaux des Vikings conservaient une importance cruciale partout où ils pouvaient être utilisés. En effet, ces bateaux avaient un tirant d'eau suffisamment faible pour remonter les fleuves les plus importants, transportant aussi bien des hommes que des provisions et du butin, ce qui signifie que lorsque les Vikings menaient des campagnes près de zones que leurs bateaux pouvaient atteindre, ils n'étaient pas obligés de faire suivre leurs bagages au moyen d'équipages terrestres à la lenteur désespérante.

Les choses deviennent plus floues, cependant, en ce qui concerne les spécificités réelles des tactiques de combat utilisées par les Vikings en bataille :

Nous ne savons pas grand-chose sur les tactiques de combat spécifiques employées par les Vikings. Toutefois, les références en notre possession suggèrent que le mur de boucliers était leur formation tactique la plus courante. Le tir à l'arc était probablement aussi utilisé pour briser le mur de bouclier, car il ne représentait pas la formation idéale pour faire face à une pluie de flèches (sa faible marge de manœuvre en faisait une cible immanquable), et les arcs longs connus à cette époque étaient parfaitement capables de décocher des flèches pouvant pénétrer les boucliers et les armures, mais pas nécessairement en profondeur. (Williams, 28).

Bien qu'ils aient adopté les chevaux comme mode de déplacement en raison de la mobilité qu'ils leur offraient, les Vikings descendaient probablement de cheval pour combattre à pied en bataille. Les étendards de combat étaient placés près du ou des chefs, probablement pour indiquer leur statut. Certains de ces étendards arboraient des corbeaux, comme celui utilisé par Harald Hardrada à la bataille de Stamford Bridge (1066) contre les Anglo-Saxons. Bien que la communication vocale ait pu suffire lors de petites escarmouches, cette méthode présente des limites évidentes en termes de volume sonore ; il n'est par conséquent pas impossible que des cornes d'animaux aient été utilisées pour prendre le relais de la voix. Pour transmettre des ordres et des informations plus détaillés, il est probable que des messagers aient été chargés de parcourir le champ de bataille avec la plus grande célérité.

 

Viking Longship Replica

Réplique de Drakkar Viking

Emma Groeneveld (CC BY)

 

L'une des forces vikings pour laquelle de telles méthodes de communication devaient être d'une valeur inestimable est la 'grande armée' danoise qui ravagea l'Angleterre à partir de 865, restant en campagne pendant des années et mettant à genoux les royaumes d'Est-Anglie et de Northumbrie ainsi que la majeure partie de la Mercie. Même le Wessex, sous la direction de son souverain, le roi Alfred (r. de 871 à 899), eut toutes les peines du monde à résister aux forces vikings, mais finit par remporter une victoire décisive. La grande armée des Vikings se dissolut vers 880, ses combattants se précipitant selon toute apparence dans le royaume des Francs, où ils eurent fort à faire pour tirer parti d'une lutte de succession entre 879 et 891. Une grande souplesse et un sens aigu de l'opportunité étaient des qualités indispensables à tout bon Viking.

Organisation

Une grande armée se composait probablement de plusieurs troupes de guerre, bien que nous ne sachions que peu de choses sur l'organisation précise ou la structure de commandement. Les rois, les comtes et les chefs locaux peuvent tous avoir dirigé des unités individuelles de l'armée, chacun assumant des rôles de commandement spécifiques suivant probablement un ordre hiérarchique convenu. Par exemple, lors de la bataille d'Ashdown (871), où le roi Alfred battit la grande armée danoise, l'une des ailes danoises était dirigée par deux rois tandis que l'autre était commandée par 'de nombreux jarls' (Williams, 19). Lorsque les royaumes scandinaves commencèrent à revêtir des formes plus unifiées, les rois les plus puissants, comme le roi danois Sven à la Barbe-Fourchue (r. de 986 à 1014), étaient probablement responsables d'une hiérarchie plus serrée dans laquelle ils commandaient eux-mêmes les équipages de plusieurs bateaux, complétés par les forces personnelles de leurs principaux chefs. Le nombre total de guerriers pouvait alors facilement se monter à plusieurs milliers d'individus en période de conflit armé.

Les liens entre les différents types de chefs, et entre eux et leurs équipages, pouvaient se présenter sous la forme de liens de parenté ou de liens personnels, de liens sociaux, ou pouvaient être motivés par le butin ou le tribut. Il n'existait probablement pas d'impôt systématique pour les flottes vikings. Bien que le terme leiðangr désigne une force directement sous le contrôle du roi (et à ce titre, il a pu être utilisé sporadiquement pendant l'âge des Vikings), le lien spécifique avec l'impôt n'est connu que par des sources datant du milieu du XIIe siècle et au-delà. Au lieu de cela, les expéditions de l'ère viking étaient selon toute probabilité des opérations d'ordre essentiellement privé.

 

Harald Hardrada, Battle of Fulford Gate

Harald Hardrada, Bataille de Fulford

Mathew Paris (Public Domain)

 

Il a parfois été avancé que l'organisation des unités de combat ait pu s'articuler autour des équipages de navires, ce qui semble assez logique si l'on considère la forte dépendance des Vikings à l'égard de leurs bateaux et l'esprit de camaraderie qui devait fatalement se développer après avoir fait face ensemble à tant d'épreuves maritimes. Quant aux aventuriers et aux guerriers eux-mêmes, il s'agissait généralement de jeunes hommes, comme le démontrent les sagas et les restes de squelettes qui ont été découverts. Aucun de ces éléments ne prouve encore définitivement l'existence de femmes ayant eu le statut de guerrier viking. On peut toutefois imaginer que des guerriers les plus expérimentés étaient également de grande importance dans le collectif, car ils apportaient avec eux une certaine stabilité et un savoir-faire ad hoc. En effet, les récits détaillant les interminables campagnes des Vikings à la fin du IXe siècle décrivent des adolescents ou de jeunes adultes s'engageant dans les équipages et restant actifs jusqu'à la trentaine, voire au-delà. Il est intéressant de noter que les troupes pouvaient également provenir en partie de régions autres que la Scandinavie ; un lien avec le sud de la Baltique est attesté en ce qui concerne les garnisons du Danemark, et même les forces scandinaves actives en Angleterre au Xe siècle étaient plutôt un amalgame que le reflet d'une quelconque armée 'nationale'.

Signes distinctifs

Malgré les apparences, la guerre des Vikings n'est en fait pas une anomalie aussi grande qu'on le croit dans le paysage européen du haut Moyen Âge. Outre le fait que, sur le plan technologique, le niveau de la concurrence était relativement homogène, les incursions à des fins de pillage n'étaient pas une activité spécifiquement viking ; en fait, elles étaient même caractéristiques de l'Irlande et de la Grande-Bretagne pré-viking et étaient monnaie courante dans toute l'Europe médiévale de manière générale. Les prélèvements de tributs avaient couramment lieu en dehors des sphères vikings tout au long de l'histoire médiévale, et étaient même au cœur des relations entre les rois de la Grande-Bretagne du haut Moyen Âge.


BIEN QU'ILS SEMBLENT AVOIR ÉTÉ EXTRÊMEMENT VIOLENTS AU REGARDS DES NORMES ACTUELLES, LES VIKINGS NE DÉTONNAIENT PAS PARTICULIÈREMENT DANS L'EUROPE DU HAUT MOYEN ÂGE, DONT LES HABITANTS N'AVAIENT ABSOLUMENT RIEN À LEUR ENVIER DE CE CÔTÉ-LÀ.

Les Anglo-Saxons et les Francs utilisaient eux aussi des bateaux, mais la technologie navale spécifique aux Vikings - la construction de navires plus rapides, ayant un taux de navigabilité supérieur et possédant un faible tirant d'eau, donc parfaits pour les attaques éclair et le transport de marchandises - et la façon dont ils utilisaient leurs bateaux au cours des raids éclair qui étaient leur marque de fabrique faisait toute la différence. Au nombre des autres éléments clés qui vont dans le même sens, soulignons l'accent porté sur la mobilité stratégique : les chevaux prenaient le relais des bateaux sur la terre ferme ; une bonne maîtrise de la chaîne logistique et des capacités permettant un bon ravitaillement en campagne ; un bon service de renseignement militaire et un talent unique pour repérer les cibles vulnérables, ainsi que pour s'adapter rapidement à tout changement de situation ; enfin, une structure fluide de troupes de combat individuelles dirigées par des chefs indépendants. Mais l'élément le plus important de tous est sans conteste la capacité d'hivernage des Vikings. Les bases construites ou capturées dans ce contexte devenaient par la suite des points de ralliement majeurs donnant un accès immédiat à toute la région environnante.

Pour les populations qui cherchaient à résister à cette combinaison, la confrontation directe avec les Vikings n'était généralement qu'un pis-aller, tout comme le versement d'un tribut qui pouvait acheter la paix pour un temps. Gareth Williams explique que 'ce n'est que lorsque les deux questions de la mobilité et de l'approvisionnement étaient réglées que les raids vikings pouvaient être contenus avec succès' (198). Charles le Chauve, roi de Francie occidentale (r. de 843 à 877) fit construire des ponts fortifiés pour barrer l'accès des Vikings aux voies fluviales, de même qu'Alfred le Grand de Wessex (r. de 871 à 899), dont la défense côtière assurée par des navires et la construction simultanée de villes fortifiées (burhs) dans tout le Wessex finirent par avoir raison des Vikings.

 

Viking Age Swords

Épées de l'ère viking

Kleon3 (CC BY-SA)

 

Une réputation durable

Armés de leurs épées et de leurs navires, les Scandinaves de l'ère viking étendirent considérablement la portée de leur influence de l'Atlantique Nord à la Méditerranée, et même jusqu'à Constantinople, où certains Scandinaves décidèrent de mettre leurs talents de guerriers professionnels au service de l'empereur, en créant la Garde varangienne (ou garde varègue), par exemple. La tendance des récits contemporains des Vikings et, pour une large part, leur image actuelle (notamment dans la culture populaire) laissent penser qu'à cette époque, les mers et les fleuves européens grouillaient de pirates aux allures de Vikings. Les guerriers vikings sont souvent décrits comme sauvages, violents et, surtout, païens, ne faisant pas de quartier à leurs malheureuses victimes et remportant des succès disproportionnés sur le champ de bataille. Cependant, cette représentation est non seulement hors contexte, mais aussi exagérée, voire fausse.

Les récits contemporains ont souvent été rédigés par des moines - c'est à dire, les personnes se trouvant les plus exposées aux danger en cas de raids vikings visant à piller des monastères et autres institutions du même type - ou par d'autres individus également susceptibles de leur servir de victimes. Il n'est dès lors guère étonnant qu'ils ne chantent pas exactement les louanges des Vikings. Ils étaient particulièrement choqués par le fait que ces païens aient osé s'en prendre à des églises et n'aient pas hésité à tuer des ecclésiastiques, même si nous savons pertinemment qu'il arrivait aussi à des souverains chrétiens de piller des églises. De plus, et surtout au cours des premières années, les incursions vikings n'étaient que des actions ponctuelles et ne risquaient guère de provoquer l'effondrement des institutions locales, du reste les Vikings n'étaient pas les seuls à effectuer des raids. En outre, bien qu'ils semblent avoir été extrêmement violents au regard des normes actuelles, les Vikings ne détonnaient pas particulièrement dans l'Europe du haut Moyen Âge dont les habitants n'avaient absolument rien à leur envier de ce côté-là.

 

Germanic Warriors with Captured Soldiers

Guerriers germaniques avec des ennemis capturés

Mohawk Games (Copyright)

 

De plus, les succès des Vikings sur le champ de bataille, comme le dit Gareth Williams, 'sont moins dus à la sauvagerie des guerriers de l'imaginaire romantique qu'à la stricte application de stratégies élaborées de façon méthodique, à une planification logistique rigoureuse, ainsi qu'à une savante combinaison de guerre et de diplomatie, le tout reposant sur une organisation sans faille' (74). Les célèbres guerriers berserks qui apparaissent dans la littérature vieux-norroise, caractérisés par leurs accès de 'fureur berserk' qui les voient rugir, mordre leurs boucliers et se croire invulnérables, sont plutôt dans l'ensemble des créations littéraires. Ils ont pu être basés sur une secte de guerriers masqués qui existait dans l'antiquité germanique et sont souvent liés à Odin, mais il ne faut pas pour autant les imaginer peupler les armées vikings dans un sens trop littéral. Le fait que les guerriers vikings étaient efficaces et reconnus comme tels se reflète toutefois dans le fait qu'ils servaient l'empereur byzantin dans l'unité d'élite connue sous le nom de Garde varangienne.

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